Mise à jour le 03.04.2024

La gouvernance de l’eau en Pays de la Loire

Parce qu’elle est essentielle au fonctionnement des écosystèmes, qu’elle est utilisée par de nombreux acteurs, et fournit de multiples services, la disponibilité et la qualité de la ressource en eau est cruciale. La complexité des enjeux et des interactions liés à l’eau, sa qualité, sa quantité et sa gestion ont façonné un maillage dense d’acteurs qui appliquent et déploient un ensemble de dispositions et d’outils. La gouvernance de l’eau est le reflet de cette logique multiacteurs et s’appuie sur un cadrage réglementaire.

Encadrée par des réglementations européennes, l’organisation nationale des politiques de l’eau s’est mise en place autour d’un découpage territorial qui s’articule selon deux entrées :

  • D’une part, des structures qui agissent selon un découpage administratif non spécifique à l’eau (Région, Départements, Communes) ;
  • D’autre part, des structures qui agissent à des échelles pertinentes pour la gestion de la ressource, c’est-à-dire à l’échelle des bassins versants.

Cet article présente l’organisation des acteurs et compétences qui contribuent à façonner la gouvernance de l’eau en France, et dans la région des Pays de la Loire.

Une gouvernance définie au niveau européen

En Europe, la Directive Cadre sur l’Eau (DCE), mise en place en 2000, joue un rôle essentiel en unifiant les objectifs de préservation des eaux de surface entre tous les États Membres (EM). Ces objectifs clés incluent la prévention et la réduction de la pollution, la promotion de l’utilisation durable de l’eau, la protection et la restauration des écosystèmes aquatiques, ainsi que l’atténuation des conséquences des inondations et des sécheresses.

La mise en œuvre de cette directive par les EM implique l’élaboration de plans de gestion au niveau des bassins hydrographiques, accompagnés de programmes de mesures spécifiques visant à atteindre ces objectifs.

Les agences de l’eau en France

Pour une gestion cohérente et efficace de l’eau, la France métropolitaine est découpée en sept grands bassins hydrographiques : Seine-Normandie, Loire-Bretagne, Adour-Garonne, Rhône-Méditerranée, Corse, Rhin-Meuse et Artois-Picardie. Depuis la loi sur l’eau de 1964, ce sont les agences de l’eau, établissements publics de l’État, qui sont les opérateurs de la politique de l’eau sur ces grands bassins.

Une méthodologie commune pour l’évaluation de l’état des eaux est instaurée pour tous les EM, impliquant la participation continue de tous les acteurs et utilisateurs de l’eau (en France : les collectivités, les usagers et les services de l’État).

Les États Membres sont tenus de rapporter à la Commission européenne la mise en œuvre des directives communautaires à travers le site « Rapportage ».

En outre, la DCE s’accompagne d’autres directives plus spécialisées, telles que celles relatives aux eaux souterraines, à l’eau potable, aux eaux de baignade, ainsi qu’aux nitrates et aux eaux résiduelles urbaines. De plus, une directive spécifiquement dédiée à la protection des ressources marines est également mise en place au niveau européen grâce à la Directive Cadre « Stratégie pour le Milieu Marin ».

Une déclinaison nationale

En France, la « Loi sur l’eau et les milieux aquatiques » (LEMA), en vigueur depuis 2006, occupe une place centrale dans la politique nationale de gestion de l’eau. La LEMA consolide des principes déjà ancrés dans le pays depuis les lois sur l’eau de 1964 et 1992, confirmant ainsi l’importance du bassin versant comme le cadre essentiel pour mettre en œuvre une gestion durable de l’eau. Cette loi formalise la transposition de la DCE à l’échelle nationale.

Réglementation européenne et nationale sur la gestion de l'eau
Source : eaufrance

La responsabilité de définir et d’atteindre les objectifs de la DCE en France revient à l’État, dirigé par le ministère de l’Écologie, en coordination avec d’autres ministères tels que l’agriculture, la santé, et l’industrie. Ce processus s’appuie également sur l’expertise d’autres organismes publics et de recherche, notamment :

Logo de l'Office Français de la Biodiversité

L’OFB œuvre activement pour préserver les milieux aquatiques et les espèces qui y vivent, ou en dépendent. Il participe à l’élaboration des Schémas Directeur d’Aménagement de Gestion des Eaux (SDAGE) notamment celui du bassin Loire-Bretagne, en contribuant aux projets de restauration des cours d’eau, à la préservation des zones humides, à la surveillance du peuplement des poissons et en fournissant un soutien technique. Ses principaux objectifs sont de lutter contre les pollutions diffuses, protéger les zones humides, superviser les travaux sur les cours d’eau, et mettre en place des mesures pour éviter, réduire et compenser les impacts sur l’eau et les espèces protégées. En outre, l’OFB intègre ses actions dans les cadres régionaux liés à l’eau et contribue à la coordination du système d’information sur l’eau (SIE).

Logo du BRGM

Le BRGM est un établissement public de référence dans les applications des sciences de la Terre pour gérer les ressources et les risques du sol et du sous-sol, notamment la gestion des eaux souterraines.

Les missions de l’INRAE sont de produire et diffuser des connaissances pour répondre aux enjeux de société dans les domaines de l’alimentation, de l’agriculture et de l’environnement et mobiliser ces connaissances au service de l’innovation, de l’expertise et de l’appui aux politiques publiques.

Voies Navigables de France gère, exploite et développe les voies navigables.

Le Conservatoire du littoral se consacre à l’acquisition de terrains côtiers menacés, afin de les restaurer, les aménager et les préserver.

L’Ifremer mène des recherches, innove et produit des expertises pour protéger l’océan, exploiter ses ressources de manière responsable et partager les données marines.

En outre, un comité national de l’eau (CNE), placé auprès du ministre chargé de l’environnement et instauré depuis 1964, constitue l’instance nationale de consultation sur la politique de l’eau. Le CNE est consulté sur les grandes orientations de la politique de l’eau, notamment sur : 

  • Le prix et la qualité des services publics d’eau et d’assainissement ;
  • Le système d’information de l’eau (SIE) ;
  • La protection des peuplements piscicoles ;
  • Les projets de SDAGE et circonscriptions géographiques des bassins ;
  • Le suivi hydrologique (continuité écologique, risque d’inondation…).

Ce comité est composé par des représentants des collectivités territoriales, de l’État et de ses établissements publics, des usagers et de personnes qualifiées. Il permet ainsi de donner un avis général sur tous les problèmes communs à plusieurs bassins.

Enfin, dans le cadre de la planification écologique, un plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau a été initié en 2023. Ce plan vise à instaurer 53 mesures permettant de répondre aux enjeux de sobriété des usages, la qualité et la disponibilité de la ressource au niveau national. L’élaboration de ce plan a mobilisé différents acteurs de l’eau, notamment le CNE et les comités de bassins.

Les 3 objectifs principaux de ce plan sont :

  • Organiser la sobriété des usages pour tous les acteurs;
  • Optimiser la disponibilité de la ressource ;
  • Préserver la qualité de l’eau.

Au niveau régional

Les questions relatives à l’état de la ressource en eau et à sa gestion sont étroitement liées à d’autres politiques et compétences locales. Ce sont les services déconcentrés de l’État qui ont la responsabilité de mettre en œuvre la politique de l’eau à l’échelle locale. En complément, ces dernières années, les Régions se sont mobilisées afin de coordonner et renforcer la mise en œuvre des politiques publiques qu’elles portent en lien avec l’eau (gestion de l’eau, aménagement du territoire, biodiversité, développement économique…). En Pays de la Loire, cette démarche volontaire d’implication de la Région a permis la demande d’attribution des missions d’animation et de concertation dans le domaine de l’eau (accordées par l’État en 2020).

Cette collaboration entre l’État et la Région des Pays de la Loire a conduit à la création de la conférence ligérienne de l’eau en 2018 et à l’élaboration d’un Plan État-Région pour la reconquête de la ressource en Pays de la Loire (2019) et un stratégie régionale « captages prioritaires » (2021). La Région intervient à plusieurs niveaux pour la reconquête de la ressource et des milieux aquatiques, notamment à travers les contrats territoriaux eau (CT Eau), le déploiement d’un plan d’action spécifique « Protégeons notre eau » ou le portage du projet LIFE « Revers’eau ».

En complémentarité avec le conseil régional sur la thématique de l’eau, les principaux services de l’état impliqués à cette échelle sont les suivants :

  • DREAL : met en œuvre, anime et pilote, à l’échelle de la région, la politique sur l’eau et les milieux aquatiques du Ministère de la Transition Ecologique qui se décline par différentes missions, partagées avec les niveaux national, de bassin et départemental (le suivi du SDAGE et des SAGE, l’amélioration de la connaissance de la qualité de l’eau, la gestion quantitative de la ressource en eau, la lutte contre la pollution des eaux, la préservation et la restauration des milieux aquatiques, dont les zones humides, la réglementation loi sur l’eau, etc.). Enfin, elle coordonne avec les préfets des départements, les projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE).
  • DRAAF : assure la mise en œuvre d’actions clés pour la préservation des milieux aquatiques telles que la réduction d’utilisation de pesticides, la directive nitrate, l’agroforesterie ou l’accroissement du bocage. Pour les Pays de la Loire, la DRAAF collecte et publie un ensemble de données en lien avec l’occupation du territoire, les recensements agricoles, études Agreste…
  • ARS : organise le contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine.

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Au niveau départemental

La DDT(M), placée sous l’autorité du préfet de département, est un service interministériel qui met en œuvre des missions liées à la gestion de l’eau (coordination des polices de l’environnement, suivi du prix de l’eau, réseau de mesures pour la qualité des eaux etc.), en lien avec l’ensemble des acteurs impliqués dans la gestion de la ressource en eau à l’échelle départementale.

En particulier, les DDT(M) ont pour mission de coordonner efficacement la politique de l’eau entre les divers services départementaux de l’État, tant sur le plan technique que réglementaire. De plus, elles sont responsables de la mise en place des Plans d’Actions Opérationnels Territorialisés (PAOT) : les outils de suivi de la mise en œuvre des plans nationaux de gestion et d’aménagement de l’eau à l’échelle du département.

Enfin, les Comités Départementaux de l’Eau (CDE) sont mis en place par les Préfets et les Présidents de conseils départementaux. Ces comités mobilisent tous les acteurs et partenaires de la politique de l’eau autour d’une stratégie globale et collaborative pour restaurer les ressources en eau à l’échelle du territoire, en assurant un suivi régulier des actions entreprises.

Au niveau communal et intercommunal

Différents changements législatifs ont adapté ou modifié les compétences des communes et des EPCI en lien avec la gestion et la politique de l’eau ces dernières années. En 2014, la compétence de Gestion Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations (GEMAPI) est rendue obligatoire pour les communes. En 2020, les communes doivent confier la gestion de l’eau potable et l’assainissement aux Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI). En parallèle, la loi Ferrand du 3 août 2018 confie la compétence de la gestion des eaux pluviales urbaines aux communautés d’agglomération et aux communautés urbaines.

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Une gouvernance à l’échelle du bassin

Bassin hydrographique

En Pays de la Loire, c’est l’agence de l’eau Loire-Bretagne qui est compétente pour la mise en œuvre des politiques nationales et européennes à l’échelle de la région. Les missions de l’agence visent à préserver et restaurer la qualité de l’eau et des milieux aquatiques, la gestion et le partage de la ressource en eau et la réduction des pollutions.

De plus, elle accompagne les programmes qui s’attaquent aux enjeux dits émergents : l’adaptation aux au changement climatique et la reconquête de la biodiversité. Pour ce faire, des Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) sont déployés à l’échelle des bassins et localement à travers des Schémas d’Aménagement de Gestion des Eaux (SAGE).

En outre, l’agence de l’eau joue une rôle clés dans la collecte des redevances (factures d’eau, taxes pour la prévention des inondations…) et le financement des actions d’intérêt commun au service de l’eau et de l’environnement.

Source : Agence de l’eau Loire-Bretagne

Les SDAGE sont élaborés par les comités de bassin, avec la participation des agences de l’eau. Ces comités sont composés de parlementaires, des collectivités, d’usagers économiques et non-économiques, des représentants de l’État et d’établissements publics. Le comité de bassin joue le rôle de « parlement de l’eau ». Ses avis et décisions sont cruciales et permettent d’orienter de façon signification les actions entreprises à l’échelle du bassin. En outre, la commission territoriale est réunie au niveau national, et organise la concertation avec tous les comités de bassin (6 comités de bassin en métropole), les présidents des commissions locales de l’eau (CLE), et certains Établissements Public Territoriaux de Bassin (EPTB).

Enfin, les SAGE sont quant à eux élaborés, révisés et mis en œuvre par les CLE qui regroupent 3 collèges : les collectivités territoriales, l’État et les usagers.

Schéma inspiré de eaufrance

Bassins versant et sous-bassins

À titre d’exemple, le bassin Loire-Bretagne occupe 28% du territoire métropolitain (soit 155 000 km²). Pour garantir des actions cohérentes avec les objectifs de la politique de l’eau selon le contexte territorial, les SAGE permettent de décliner de manière spécifique les objectifs définis dans le SDAGE.

Les SAGE sont élaborés, révisés et mis en œuvre par les CLE qui regroupent 3 collèges : les collectivités territoriales, l’État et les usagers. Ces schémas ont une portée juridique significative : une fois approuvés, ils sont opposables aux décisions administratives et à toute personne privée.

À cette échelle, ce sont principalement les EPTB et les syndicats de bassin qui assurent la mise en œuvre opérationnelle des SAGE à travers différentes actions (connaissance, prévention des inondations, gestion équilibrée de la ressource en eau, préservation et restauration des milieux aquatiques…). Ces structures reflètent l’engagement des collectivités à agir à l’échelle de leurs bassins, et de mutualiser les ressources pour y mener des actions concrètes.

Il existe d’autres structures spécialisées dans la gestion des compétences GEMAPI à l’échelle des bassins : ce sont les établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau (EPAGE). En Pays de la Loire, seulement un bassin est couvert par ce type de structure.

Source : ANEB

Selon les spécificités et les enjeux des territoires, les objectifs et actions menées par ces acteurs peuvent varier. En outre, ils peuvent également se voir transférer une ou plusieurs compétences GEMAPI par les EPCI, qu’ils exercent sur tout ou une partie de leur territoire.

 

Et le rôle du citoyen ?

L’eau est considérée comme un bien commun, ce qui signifie que sa gestion est l’affaire de tous et toutes. Le rôle du citoyen est donc primordial. Premièrement, son implication dans la compréhension des enjeux autour de l’eau est nécessaire afin qu’il puisse cibler et agir au mieux pour la préservation de la ressource.

C’est pourquoi nombres de structures publiques diffusent de l’information relative à l’état de la ressource (bulletin sécheresse, qualité de l’eau potable, état des cours d’eau etc.). À travers ces informations, le citoyen est invité à adapter son rapport à la ressource afin de concilier les besoins, usages et le contexte territorial en lien avec l’eau.

De plus, la concertation autour de la politique de l’eau a pour vocation de réunir l’ensemble des usagers de l’eau. C’est pourquoi les citoyens sont sollicités lors de l’élaboration des SDAGE, pour participer aux commissions consultatives des services publics locaux délégués, ou répondre aux enquêtes publiques.

Enfin, si une masse d’eau comme un cours d’eau traverse une propriété privée, il est de la responsabilité du propriétaire d’assurer son entretien. Des travaux peuvent être entrepris et financés par des organismes publics comme des syndicats ou EPTB pour concourir à cet objectif. C’est pourquoi il est important que les enjeux autour de l’eau soient bien communiqués, et qu’il est essentiel d’agir à tous les niveaux pour garantir la préservation de la ressource et des milieux aquatiques.

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